Histoire de la Revue

Extrait Thèse du Dr Philippe Cathala, présentée et soutenue publiquement le 27 octobre 2010 pour obtenir le grade de Docteur en Médecine.
La « revue » est une tradition ancienne de l’internat qui remonte au début du XXème siècle.
La première, intitulée, « La Delpech Revue » fut organisée en 1908 à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’association des anciens internes des hôpitaux de Montpellier fondée en 1883.
Il s’agissait d’une pièce de théâtre dans laquelle la statue du professeur Delpech, réveillée par le chant des internes « les adieux de l’interne », allait se mêler à eux pour une folle nuit. Il s’agissait d’une pièce de circonstance faisant la satire de la vie politique et hospitalière de l’époque et qui prenait soin d’égratigner au passage l’administration qui venait de s’en prendre violemment à l’internat en décidant l’«extériorisation ».
Il faudra attendre 1934 pour voir jouer une seconde édition de la « Revue » à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’association. Ce n’est finalement qu’à partir de 1952 que la revue sera jouée annuellement jusqu’en 2000 (sauf en 1984) puis, en raison du travail de préparation très important que l’organisation de celle-ci implique, seulement tous les deux ans en alternance avec un simple bal.

Le principe de la revue est simple et n’a pas changé depuis sa création : à l’issue du banquet strictement réservé aux internes et anciens internes de Montpellier, il s’agit de brocarder et de parodier directement sur scène (sauf en 1953, 1954 et 1957 où elle est enregistrée sur bande puis diffusée) les anciens internes de Montpellier qui viennent de s’illustrer dans leur carrière et en particulier ceux qui viennent d’accéder à l’agrégation ou qui partent à la retraite.
Les figures de la médecine montpelliéraine sont ainsi « chantées », pastichées avec plus ou moins de causticité par leurs jeunes confrères. C’est l’occasion pour les plus jeunes de rappeler à leurs aînés leurs origines et de stigmatiser avec irrévérence et malice, parfois même avec un brin de cruauté, leurs travers physiques, leurs traits de caractère, leur ambition voire leurs aventures sexuelles. Parfois, c’est aussi l’actualité hospitalière ou politique qui est brocardée avec malice.
Les internes ne manquent pas d’inspiration, aidés des complices plus anciens, pour écrire des textes finement ciselés et mettre en chanson des propos pas toujours laudateurs. Afin de ne pas s’exposer à des mesures éventuelles de rétorsion et de garantir cette liberté de ton, la Tradition veut que les auteurs restent inconnus. Ils n’interprètent donc jamais leur œuvre qui, de toute façon, sont le plus souvent des œuvres collectives.
Gaston Giraud, qui en fut l’une des victimes favorites de ces chansons, tout comme sa fille et son gendre le Professeur Barjon disait que « la revue associait la satire et le rire » et se faisait « à fleurets mouchetés ». Partageant cette analyse à la fois tendre et belliqueuse, Luc Marty dira que la revue se faisait « baïonnette au canon». Un comité de censure autoproclamé a toutefois existé et certains textes, jugés non conformes à l’esprit de l’Internat, furent amendés.
La plupart des revues ont eu un titre, parfois sérieux (« la revue des revues » en 1983, qui pensait être la dernière) mais souvent plus humoristique (« l’art scenic » en 1955, « pompons l’amer » en 1956, « les cons cour(ent) à Paris » en 1958, « la chaire appâtée » en 1959, « les faits rosses » en 1961, « les cas tombent » en 1962,...).

Nous ne pouvons pas reprendre ici la totalité des textes qui ont été mis en chanson ni même de toutes les saynètes jouées tant le répertoire est vaste. Ils constituent cependant un patrimoine fondamental de la mémoire de l’internat tant ils fourmillent d’anecdotes et de portraits cocasses. Certaines chansons de revues sont même passées à la postérité,
ancrées dans la mémoire collective des internes grâce à la qualité de leur texte ou de leur interprétation. Il faut bien avouer que la revue a été l’occasion pour quelques internes de laisser s’exprimer de grands talents d’interprètes ou de paroliers. Tout le monde se souvient ainsi des « jolies maladies de l’enfance », de « l’épopée de Bertrand », de « l’épopée de Souyris », de la chanson de Bétoulières,...
Depuis 1952, toutes les revues commencent systématiquement par l’«internum circus», chanson locale créée ad hoc qui est interprétée en chœur par tous les anciens présidents et chefs-internes présents.
Ensuite alternent sur scène parodies, chansons, films ou sketchs au gré de l’humeur et de l’imagination des organisateurs. La tribune est totalement libre et laisse aux internes pour un soir la possibilité d’exprimer publiquement et souvent avec beaucoup d’ironie et d’humour leur sentiment sur un point d’actualité, sur les problèmes de l’internat ou sur l’attitude d’un patron.
Même si certains textes ne sont pas dénués de cruauté, on y décèle souvent un brin d’admiration ou d’affection pour ceux aux dépens desquels on cherche à faire rire parmi lesquels on trouve quelques têtes de turcs.
Certains patrons pourtant, qui avaient eux-mêmes applaudi en leur temps alors que leurs aînés étaient chantés, apprécieront beaucoup moins par la suite leur passage sous les fourches caudines des rédacteurs de la revue. Quelques-uns cesseront même définitivement d’y venir, comme le professeur Negre, vexé par une seule phrase. Pourtant, le professeur Latour, longtemps secrétaire général de l’association des anciens les avait tous mis en garde « ceux qui se vexent à la revue donnent la mesure de leur esprit ».